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Prédication du dimanche 28 Juin 2020
Texte : Matthieu 10 : 37-42
Ce chapitre 10 de Matthieu est tout entier consacré aux disciples et aux directives que Jésus leur donne
avant de les envoyer en mission.
Le chapitre commence par la liste des 12. Puis viennent les conseils que Jésus leur adresse concernant :
La mission qu’ils doivent accomplir.
Les lieux où ils doivent se rendre.
Le dénuement qu’ils doivent accepter.
La prudence qu’il leur faut développer. C’est ici que l’on trouve les mots : (v. 16).Je vous envoie comme des
moutons au milieu des loups. Soyez donc avisés comme les serpents et purs comme les colombes
Jésus parle aussi des persécutions qu’ils auront à subir.
Et de la confiance qu’ils peuvent avoir en Dieu, malgré l’opposition qu’ils ne manqueront pas de rencontrer.
C’est en ce qui concerne cette opposition que les propos de Jésus deviennent choquants, car il la situe
essentiellement dans le milieu familial ; puisque Jésus dit : Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ;
les enfants se dresseront contre leur parents et les feront mettre à mort (v. 21).
Je suis venu mettre la division, dit Jésus.
Ce n’est pas facile d’admettre que Jésus est venu mettre la division. Lui qui est présenté dans bien d’autres passages
comme celui qui apporte la paix. Mais cette phrase a l’avantage de correspondre à une certaine réalité. On s’est
tellement battu, dans l’histoire, au nom de l’Evangile ; on a tellement commis d’horreurs au nom du Christ. Cette
parole du Christ est on ne peut plus vraie, même si on déplore cette situation.
Mais pourquoi Jésus prend-il des exemples familiaux ? Le père opposé au fils, la fille à sa mère, et la
belle-fille à sa belle-mère. Encore qu’à propos de ce dernier exemple, l’opposition n’ait, la plupart du temps, rien à
voir avec le Christ.
Jésus prend des exemples familiaux, parce que ça aussi ça correspond à la réalité. Des familles ont été désunies à
cause de l’Evangile. Dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, l’apôtre Paul parle de ces couples formés d’un conjoint
chrétien et d’un autre qui ne l’est pas. Dans l’histoire, beaucoup de ces couples se sont brisés à la suite de la
conversion d’un des conjoints au christianisme.
Jésus aurait pu parler des divisions entre maître et serviteur par exemple. Il y en a eu aussi à cause de
l’Evangile. Il est vrai que ce n’était pas, à priori, le problème des disciples. Mais les hommes en auraient peut-être tiré
la conclusion qu’en devenant chrétiens les serviteurs devaient se révolter contre leurs maîtres. Et cette parole serait
devenue un instrument de revendications sociales et politiques. Or Jésus n’a jamais enseigné cela. Au contraire, il a
toujours recommandé (et les apôtres après lui) l’obéissance aux autorités. La division dont il parle n’a pas de
caractère social et politique. Car, même si les relations entre patrons et ouvriers souffrent encore beaucoup de
l’injustice sociale — et tellement plus à l’époque de Jésus que maintenant — la division sociale est entachée
d’égoïsme de part et d’autre. Or Jésus n’a jamais cautionné l’égoïsme, quelle que soit son origine.
Ainsi, Jésus se borne au domaine familial lorsqu’il parle de division. Et il insiste en ajoutant que Celui qui aime son
père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille à moi, n’est pas digne de
moi ; celui qui ne prend pas sa croix pour me suivre n’est pas digne de moi. Celui qui aura trouvé sa vie la perdra, et
celui qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera (v. 37-39).
Parole délicate, voire dangereuse. Les sectes l’utilisent pour séparer les familles dans le but de se faire des
adeptes. Mais, dans ce cas, le gourou se met à la place du Christ ; car, dans ce cas, c’est pour s’attacher à un chef
spirituel quelconque que des personnes quittent leurs familles, et non pour s’attacher au Christ.
D’autre part, par ces mots, Jésus n’a jamais demandé à quiconque de quitter sa famille en devenant
chrétien. Dans sa lettre aux Corinthiens, Paul ne le demande pas non plus, mais parle des non-croyants qui se
séparent, eux, de leur conjoint devenu chrétien. Jésus ne fait pas allusion à une division géographique, mais
idéologique, spirituelle.
Curieusement les jeunes utilisent rarement ce texte pour se soustraire à l’autorité parentale. Sans doute ne
le connaissent-ils pas suffisamment ; mais ils sont surtout, quoi qu’ils disent, plus attachés à leurs parents qu’à Dieu.
Jésus sait que les liens familiaux sont particulièrement forts. C’est peut-être la raison pour laquelle il les
prend en exemple. Il sait que ces liens peuvent être un obstacle à l’Evangile. Deux chapitres plus loin (Mat 12, 46-50), la mère et les frères de Jésus ont voulu, un jour, le dissuader d’accomplir sa mission. C’est là que Jésus a
répondu : Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? … quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux,
celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère. Par ces paroles, Jésus révèlerait-il que le lien spirituel avec Dieu prévaut
sur le lien biologique ?
Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa
fille à moi, n’est pas digne de moi.
Que veut vraiment dire Jésus par ces paroles ?
Jésus accepte le principe de la division. Son message occasionne des divisions, et celles-ci peuvent être
profondes ; l’histoire l’a montré. Ces divisions peuvent être profondes, parce qu’elles touchent à des données
essentielles de la vie. Ce sont toutes les valeurs de la personne qui changent lorsque celle-ci devient chrétienne :
l’égoïsme fait place à l’amour et le pardon remplace la vengeance. C’est un changement positif, or curieusement ce
n’est pas toujours vécu positivement par l’entourage. Toutes les relations en sont bouleversées : non seulement les
rapports professionnels ou amicaux, mais familiaux, et c’est dans la famille que les tensions sont les plus dures, entre
ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, ou qui ne croient pas de la même manière. C’est dans la famille que les
tensions sont les plus dures, parce que les rapports y sont plus étroits. Comme à son habitude, Jésus met le doigt sur
l&’aspect le plus criant. Il prend l’exemple des relations familiales pour montrer l’importance de la révolution
occasionnée par l’Evangile dans la vie. Et c’est surtout dans les familles que l’on voit la différence.
Face aux divisions, le chrétien pourrait reculer et faire taire la parole du Christ pour retrouver l’union
familiale. Mais Jésus dit qu’il faut accepter cette division, elle est un signe de personnalité, de maturité. Face au
patriarcat tout puissant de son époque, Jésus admet qu’un enfant se désolidarise de son père pour suivre le Seigneur.
C’est une révolution dans un contexte où les pères avaient droit de vie et de mort sur les enfants.
La division est un signe de liberté et, par là même, elle peut être considérée comme un jugement sur la
condition familiale vue alors comme une prison. Par contre, si la famille est un lieu de liberté, la division n’existe pas
à cause de l’Evangile, chacun pouvant suivre le Seigneur de son propre gré sans quitter la famille.
Jésus donne donc d’autres valeurs à la vie que les valeurs traditionnelles. En effet, pourquoi, parmi tous les liens
familiaux, Jésus ne cite-t-il que les rapports entre parents et enfants ? Il dit bien : Celui qui me préfère père ou mère
n’est pas digne de moi, et celui qui me préfère fils ou fille n’est pas digne de moi. Pourquoi pas les liens entre frères
et sœurs et entre époux ? Parce qu’entre frères et sœurs et entre époux on est à égalité. Jésus pose en tous cas ce
principe. Les relations entre frères et entre époux ne sont pas porteuses des notions de dépendance et de
responsabilité sur le plan vital : un homme peut vivre sans avoir de frère ou de sœur ; une femme peut vivre sans être
mariée. Le prophète Osée a bien laissé partir sa femme, sans cesser de l’aimer pour autant, puisqu’il la reprend
volontiers avec lui.
Jésus ne cite que les rapports entre parents et enfants, parce que personne ne peut venir à la vie sans
parents, et parce que la vie s’arrête s’il n’y a plus d’enfants. En prenant ces exemples, Jésus met l’accent sur la vie.
Jésus veut dire qu’il y a plus important que la vie biologique : la nouvelle vie qu’il apporte lui-même. C’est pourquoi
il parle, après cela, de mort en évoquant le fait de porter sa croix et en disant : Celui qui perdra sa vie à cause de moi
la trouvera.
On peut paraphraser l’ensemble de ce passage de cette façon :
Celui qui aura peur de se détacher de l’origine de sa vie biologique (ses parents) n’est pas digne de moi.
Celui qui craindra de voir son espérance, ses projets (ses enfants) lui échapper n’est pas digne de moi.
Celui pour qui rien n’est plus important que ses traditions, ses habitudes, ses objectifs, ses valeurs, en un
mot son moi n’est pas digne de moi.
Celui qui préfèrera garder ce qu’il a plutôt que de risquer sa vie en me faisant confiance n’est pas digne de moi. Parce
qu’il aura refusé de se donner, je ne pourrai le faire renaître.
Notre appartenance à Christ est-elle limitée ? Sommes-nous prêts à le suivre avec une entière confiance
? Ou avons-nous placé des barrières, des limites à la vocation à laquelle nous sommes appelés ?
Des limites du genre : Je veux bien être disciple du Christ, à condition que cela ne bouleverse pas ma vie,
que cela ne change pas mes projets, que cela ne me conduise pas à faire ce que je déteste, ou à aimer les personnes
que je ne veux pas aimer … Quoi qu’il arrive, je veux contrôler ma vie.
Ne plus contrôler sa vie et vivre la confiance, c’est ce que Jésus veut dire quand il parle de la croix ; parce que c’est
une façon de mourir, une mort spirituelle, celle par laquelle tout vrai disciple doit passer. Amen
Une prédication du PPDP KENFACK Raymond